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Fungus

Wip - Short story for the literary contest for the Solaris magazine. Available only in french. 

 

Chapitre 1 
 

Malgré la présentation qui se déroulait devant eux, les employés peinaient à ne pas regarder la scène étrange à travers la vitre de leurs bureaux. Ils ignoraient leur collège Georges qui ne faisait que lever la voix pour attirer leur attention, mais même lui ne pouvait s’empêcher de lancer des regards à l’extérieur. 
 

Deux tours d’habitations étaient en train de se faire enrober de baches de confinement orange portant des symboles géants de contamination chimique. Toute la matinée, des camions de pompiers, des ambulances et la police avaient inondé les rues du centre-ville; la cacophonie de leurs sirènes était assourdissante, même avec les fenêtres fermées.
 

Tout le monde avait les yeux rivés à l’extérieur, sauf Théodora.  Elle ne pouvait pas se permettre d’être distraitre des présentations de la journée; surtout pas durant la démonstration du prototype de Georges. Elle disséquait chacun de ses mots, cherchant un point faible, quelque chose qui allait la convaincre qu’il n’allait pas gagner ce concours. Le tableau d’hologrammes montrait des formules chimiques et des calcules et plus Théodora les étudiait, plus elle se demandait si elle était à la hauteur d’être en compétition contre lui.
 

— Et c’est pourquoi la meilleure solution pour désintoxiquer les immeubles 544-546 de la rue LeGrand est de les gazer avec ma solution Amargedon, s’écria Georges.

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Théodora remarqua que son gestuel manquait de sa confiance habituelle: ses mains tremblaient et il se balançait d’un pied à l’autre.

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— Je mets 20$ sur la tour de gauche, chuchota l’un de ses collègues derrière Théodora.

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— La tour de gauche? Voyons donc, celle de droite est plus croche que la Tour de Pise!

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Les dernières personnes qui devraient faire des paris sur les tours étaient ceux qui devaient être responsables d’éviter cette catastrophe, pensa Théodora. 

Sur la table devant Georges était déposé une boîte scellée transparente. À l’intérieur était une maquette à l’image des deux tours contaminées, recouvertes de mycélim jaunâtre et de champignons. Ceux-ci avaient des formes anormales que Théodora trouvait fascinante; leur pied était des spirales et leur chapeau était découpé en lanières qui roulaient sur eux-mêmes, ressemblant à des doigts tordus. Ils étaient aussi recouverts de verrues qui les déformaient de manière unique. Certains champignons semblaient se découper à certains endroits, comme s’ils étaient en train de se multiplier. Au centre de cette maquette se trouvait une petite bombe, montée sur un podium.

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Théodora se mordit l’intérieur des joues. L’idée de gazer les immeubles était simple, facile à produire et à exécuter. La recette était délicate puisque le poison devait être agressif contre les fungis, mais pas contre aucune autre espèce de vie. En quelques heures, la bombe pourrait purifier les deux immeubles et la ville retrouvait sa normalité ennuyante.

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— Dès que tu es prêt Georges, dit le patron. 

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À ce signal, l’attention de la salle se porta sur Georges qui hocha la tête et appuya sur une touche du tableau holographique: La bombe de la maquette s’ouvrit, relachant dans la boîte un gaz rouge. Aussitôt, les champignons se tordèrent, puis commencèrent à se décomposer. Le mycélium qui recouvrait les maquettes se dissoue et tomba en poussière. 

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Il eut une stupeure dans la salle et le coeur de Théodora se serra. Elle baissa les yeux sur le coffret devant elle qui gardait précieusement son prototype. Est-ce que son invention serait aussi efficace? Aussi ingénieuse? Présenter juste après Georges était injuste, comme une moquerie du destin. 

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Son téléphone vibra; un message de sa sœur Sarah. Elle lui avait envoyé un enième meme: un chien dans un cubicule avec comme message ‘’ Bonne chance pour ta présentation! You’re the best! ‘’

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— Ce gaz déclenche et accélère le processus de décomposition des fungis contaminés. Celui auquel nous faisons face aujourd’hui est plus robuste, toxique et aggressif que n’importe quel autre espèce que nous connaissons. C’est pour cela que nous devons l’être nous aussi et que j’espère que le conseil des directeurs saura choisir le meilleur prototype pour résoudre cette crise.

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L’assemblée applaudit Georges qui sourit et les remercia. Théodora leva ses mains lourdes pour les imiter.

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— Excellent travail Georges. Très prometteur, félicita le patron. 

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Le patron, monsieur Plamondon, se leva difficilement, comme s’il portait le poids du monde sur ses épaules. Il était plus cerné qu’à l’habitude, sa posture était rigide, comme s’il avait un torticolis. Depuis quelques semaines (depuis que la nouvelle de la contamination fongique des immeubles était devenue publique), monsieur Plamondon ressemblait davantage à un fantôme du 16e siècle qu’à un CEO.

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— Nous allons étudier toutes les propositions d’ici la fin de la semaine. Dès lundi prochain, nous allons commencer à élaborer et produire le prototype que nous jugerons le plus efficace. Des questions? 

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Les présentations étaient déjà terminées? Théo n’osait pas lever la main. N’allait-elle pas faire sa démonstration? Peut-être s’était-elle trompée? Non, elle savait que c’était aujourd’hui. Elle avait préparer son invention pour aujourd’hui. Elle leva la main. Monsieur Plamondon tourna la tête et, lorsqu’il remarqua Théodora, il serra la mâchoire.

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— Oui Théodora? 

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— Je pense qu’il y a une erreur, je devais présenter aujourd’hui.

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— Tu n’as pas reçu mon message? 

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Théodora fit non de la tête. Elle ouvrit rapidement son agenda, feuilletant pour chercher une note, un memo, une feuille mobile, mais rien. 

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— J’ai déjà vu ton prototype, je l’ai étudié il y a deux semaines. Ton projet est incomplet et inefficace. Je t’ai laissé une analyse et toutes mes observations dans ton laboratoire. Si tu as des questions, envoie moi un email. 

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Ses mots étaient des flèches lui transperçant le coeur.

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— Notre travail est sérieux, Théodora, on ne peut pas se permettre des idées immatures, on a des vies à sauver.

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Derrière elle, ses collègues chuchotaient encore entre eux, quelques rires ettoufés, leurs voix lui glaçaient la nuque. Les muscles de ses épaules se raidirent et elle hocha la tête avec misère.

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On ne peut pas se permettre des idées immatures, on a des vies à sauver. 

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